Histoire d'un Festival
Episode 20 : une édition 2024 pour l'avenir
La fête fut belle sous le soleil et sous la pluie.
En préparant le 60e anniversaire du Festival de la Grange de Meslay, l’association des Fêtes Musicales en Touraine devait gagner un double pari : rappeler les riches heures de sa création, les années du " règne" de son fondateur Sviatoslav Richter sans mélancolie excessive et sortir de sa "forteresse ", aller vers des publics nouveaux, les publics de demain.
Double pari réussi.
Vous avez aimé retrouver les images et la musique des grands artistes qui sont venus à Meslay grâce à une belle exposition à la Grange et à une diffusion régulière de ces témoignages sur le site et les réseaux sociaux.
Le festival, partagé entre un long week-end à Meslay et quelques jours " hors les murs", dans de belles salles de la Métropole tourangelle a été plébiscité.
Le premier week-end à la Grange, le festival a donné à entendre deux pianistes absolument extraordinaires : l’Américain Jonathan Biss et le Russe Dmitry Masleev, une révélation: le jeune Japonais Masaya Kamei pour un concert de 11 h qui n'a pas laissé indifférent. Et aussi l'élégant Trio Wanderer, la belle harmonie du Sinfonia Varsovia String Quintet et de la pianiste Marie-Ange Nguci ou encore la voix profonde et émouvante de la basse Alexander Roslavets accompagnée du pianiste Andreï Korobeïnikov.
"En ville", nous n'oublierons pas le concert intimiste du violoncelliste Paul Colomb dans la nef du CCCOD à Tours, près de l'installation in situ " Défendre les eaux ancestrales" de l’artiste Hera Buyuktasciyan. Le lendemain, le même et ses amis du Paul Colomb-Bleue Quintet "mettaient le feu" à Mame en mêlant classique, pop et électro !
Toujours éclectique, le Festival a proposé une master class suivie d'un concert avec la pianiste Claire Désert à Joué-lès-Tours, un rendez-vous poignant et musical avec Pascal Amoyel dans "Looking for Beethoven" » à Mame, de la musique ancienne à la chapelle Saint-Libert sous la houlette de la violoncelliste Hanna Salzenstein avant le final : un bel enchaînement des cinq concertos de Beethoven par les meilleurs pianistes : Tanguy de Williencourt, Nathanaël Gouin, Jonas Vitaud, Jean-François Heisser, les quatuors Elmire et Fidélio et la contrebassiste Pénélope Poincheval au Nouvel Atrium de Saint-Avertin.
Ajoutons quelques aubades de jeunes musiciens, la plantation d'un rosier en hommage à Richter...Ce soixantième festival est passé comme un rêve.
Épisode 19 : le violoncelle du cœur
En juin 2019, le Festival a vécu une aventure extraordinaire : la fabrication d’un violoncelle inversé par cinq merveilleux luthiers, instrument destiné à Soni Siecinski, un jeune interprète né avec une main gauche incomplète.
Toutes les bonnes volontés se sont réunies autour du luthier tourangeau Jean-Louis Prochasson et de ses amis : l’association " Talents et Violoncelles " et son président François-Xavier Anscutter, le violoncelliste Raphaël Pidoux, les Fêtes Musicales en Touraine et leur présidente Danielle Mommeja… et le public de Meslay !
Ainsi, pendant la durée de ce Festival 2019, dans un espace aménagé près de la Grange, les cinq luthiers ont travaillé devant ce public passionné et ravi. Peu à peu est apparu l’instrument " un violoncelle en copie du modèle Petrus Guarneri exposé au musée de la Musique. …Nous avons répondu mille fois aux mêmes questions des spectateurs sans jamais nous lasser. Le violoncelle a été terminé en temps et en heure. Raphaël Pidoux n’a pas pu tester l’instrument car il lui est impossible de jouer à gauche. C’est Soni qui a fait chanter le Cello pour la première fois devant un public ému. Un grand moment " se souvient Jean-Louis Prochasson.
En effet, c’est devant une salle comble que le dimanche 23 juin 2019, à la Grange, le jeune violoncelliste se voyait confier l’instrument qui aujourd’hui l’accompagne. " Ce que ces luthiers ont réalisé, en montant les cordes à l’envers, en adaptant le chevalet et le manche, en déplaçant les chevilles, en retravaillant tout l’intérieur, notamment la barre d’harmonie – est tout simplement inestimable ! " expliquait Soni au journal Le Parisien après cette aventure.
En 2020, Soni a été reçu au Conservatoire Nationale Supérieur de la Musique et de la Danse de Paris (CNSMDP). Depuis, il mène une belle carrière de musicien. Raphaël Pidoux le fait jouer dans l’Octuor de violoncelles Cello8 qu’il a créé pour de jeunes violoncellistes. Un ensemble dont la réputation n’est plus à faire et qui s’est produit, à l’invitation des Fêtes Musicales en Touraine, devant le public tourangeau pour une master classe et un concert.
Quant à Raphaël Pidoux, vous le retrouverez au sein du Trio Wanderer dont il est un pilier, le samedi 8 juin 2024 à 18 h dans le cadre de la 60e édition du Festival.
Épisode 18 : Maurice Tournade, le coup de crayon d’un amoureux de Meslay
A l’occasion de sa 60e édition, le Festival de la Grange de Meslay vous fait voyager dans le temps et retrouver, au fil d’une exposition à la Grange, du 7 au 9 juin, les grands moments de son histoire. Vous y verrez des affiches originales, photos et vidéos qui restituent l’atmosphère et le prestige de ce festival unique, voulu par Sviatoslav Richter.
Vous y découvrirez aussi des dessins signés Maurice Tournade. Ce journaliste décédé en 2014, chroniqueur culturel et dessinateur-caricaturiste pour le journal La Nouvelle République pendant de longues années, était un grand ami de Meslay. Il admirait profondément Richter et savait l’écrire, célébrant " le fil d’or de sa virtuosité ", " son jeu nerveux et félin, dense et transparent basé sur une gamme inépuisable d’attaques et de touchers".
Maurice Tournade a publié de nombreux dessins du maître et d’autres grands artistes venus à Meslay (le trompettiste Maurice André, le violoniste Régis Pasquier, Benjamin Britten ou la toute jeune pianiste Claire Désert qui dirige cette année la master classe du Festival). Il a su évoquer l’ambiance si particulière de Meslay, joyeuse et fervente à la fois.
Vous pourrez admirer certains de ces dessins originaux puisés dans le Fonds Maurice Tournade des archives départementales et que sa famille a eu la gentillesse d’autoriser l’association des Fêtes Musicales en Touraine à montrer.
Pour en savoir plus sur Maurice Tournade : https://www.maurice-tournade.com/caricatures
Dessins de Maurice Tournade
Épisode 17 : le concert du dimanche matin
Le dimanche 9 juin 2024, premier week-end du Festival de la Grange de Meslay, c’est un pianiste japonais de 22 ans, Masaya Kamei, qui aura la joie de jouer sous la charpente, le matin, à 11 h. Et comme chaque fois le charme opérera. Car ces concerts dominicaux ne ressemblent pas aux autres. Un calme matinal, une douce clarté, une qualité de silence enveloppent tout. La musique se déploie dans une belle communion.
La tradition des concerts de 11 h s’est imposée dès les débuts : "C'est une tradition pour notre festival, Richter adorait jouer à 11h00 à la Grange de Meslay. Il y a une très belle atmosphère, une lumière paisible, c'est une heure où il osait des répertoires très audacieux" expliquait le directeur artistique René Martin pour présenter le concert de11 h du grand pianiste canadien Marc-André Hamelin, le 19 juin 2022.
Ce créneau particulier, unique, a permis à de nombreux jeunes artistes, à l’aube de leur carrière, de rencontrer le public : Andrei Karobeinikov en 2007, Yulianna Adveeva en 2012, Adam Laloum en 2013, Lucas Debarge en 2016, Varvara en 2020 ou encore Marie-Ange Nguci en 2023 et auparavant en 2018. Elle était alors âgée de 20 ans et son interprétation du quintette avec piano de Franck, avec le quatuor Akilone fut un beau moment.
Des talents consacrés ont également honoré ces concerts matinaux : Anne Queffelec en 1993, Boris Berezovsky en 2004, Luis-Fernando Perez, deux années de suite en 2009 et 2010, Brigitte Engerer, dont ce fut le dernier concert à Meslay,en 2011, Nicholas Angelich en 2014 et beaucoup d’autres.
D’autres instrumentistes nous ont bercé de bonne heure : en 1997, un trio fameux : Régis Pasquier-violon, Roland Pidoux-violoncelle, Jean-Claude Pennetier-piano, enchante le public. En 2007, le Quatuor Artemis joue Beethoven ou Webern à l’heure du brunch tandis qu’en 2019, le violoncelliste Victor Julien-Laferrière, auréolé de son 1er prix au concours musical international Reine Élisabeth de Belgique, joue Beethoven et Bach avec le jeune pianiste Louis Schwizgebel. " Ils filent le parfait accord "écrit classiquenews.com
Enfin, certains concerts s'écoutèrent en fanfare pour les mélomanes lève-tôt ! Ainsi en 2010, le pianiste Iddo Bar-Shaï était entouré de l’English Chamber Orchestra dirigé par Wilson Hermanto pour jouer Benjamin Britten. En 2012, les pianistes Bertrand Chamayou et Jean-Frédéric Neuburger accompagnés d’Emmanuel Kurt et Daniel Ciamponi aux percussions proposèrent la sinfonia pour 2 pianos et percussions de Belà Bartok, tandis qu’en 2017 le percussionniste italien Simone Rubino conduisit un sonore « Immortal Bach » !
Épisode 16: Un festival de la jeunesse
"Selon moi, la jeune génération est d’une richesse absolue. J’ai extrêmement confiance en l’avenir. Je suis très agréablement surpris par les jeunes violonistes, violoncellistes, pianistes… Ils sont habités, extrêmement intelligents, ils ont les clés pour transmettre eux-mêmes, pour partager ; quand vous voyez Tanguy de Williencourt, Nathanaël Gouin, Astrig Siranossian, Manon Galy, il y a une telle beauté dans toutes ces personnes ! C’est pour cela que j’y crois aujourd’hui encore plus que jamais. " Voilà ce que déclarait René Martin, le directeur artistique du Festival de la Grange de Meslay au site Bachtrack, le 15 juin 2022.
Sviatoslav Richter, le créateur du festival, aimait accueillir, faire découvrir de jeunes artistes prodiges, venus de l’Est ou d’ailleurs.
Ainsi, en 1975, le maestro avait partagé son clavier avec le pianiste hongrois Zoltan Kocsis, alors âgé de 23 ans et qu’il considérait comme " l’un des plus grands talents pianistiques de [l’] époque." Deux ans plus tôt, l’immense violoniste Pinchas Zucherman, 23 ans, éblouissait le public de Meslay tout comme le violoniste Oleg Kagan, partageant la scène avec Richter à l’âge de 28 ans. Une complicité qui durera au fil des ans.
On peut multiplier les exemples d’interprètes, aujourd’hui réclamés sur toutes les scènes et qui ont joué sous la charpente à leurs débuts. Le violoniste Vadim Repin a 22 ans quand il joue à Meslay en 1994, Renaud Capuçon 26 ans en 2002, le violoncelliste Edgar Moreau, 19 ans pour son premier concert à la Grange en 2013 ! Les pianistes, Nelson Goerner, 22 ans en 1991, Evgueni Kissin, 28 ans en 1999, Andreï Korobeinikov, 21 ans en 2007, Adam Laloum, 27 ans en 2014, Lucas Debargue, 26 ans en 2016, Marie-Ange Nguci, 20 ans en 2018, Alexandre Kantorow, 24 ans en 2021, Alexander Malofeev , 22 ans en 2023, ont trouvé à Meslay l’occasion de rencontrer un public attentif et de s’exprimer, sans oublier Nikolaï Luganski " grand jeune homme blond et élégant…impassible " qu’on entend " à vingt-cinq ans, jouer un programme russe du meilleur aloi, redoutable pour les doigts, délectable pour les auditeurs." écrit Le Monde en 1997.
Et n’oublions pas les ensembles de musique de chambre : Trio Chausson, Trio Wanderer , quatuor Modigliani, quatuor Hermès, les belles voix : Adèle Charvet ou Raquel Camarinha, et tant d’autres dont la jeunesse éclatante nous a emportés et qui sont restés fidèles au Festival.
Episode 15 : On tourne à Meslay !
La Grange est si belle qu’elle a quelquefois servi de décor pour le cinéma ! Le film le plus spectaculaire est sans aucun doute "Belles familles"de Jean-Paul Rappeneau, sorti sur les écrans à l’automne 2015 et dont quelques scènes furent tournées à la Grange dans la foulée du cinquantième anniversaire du festival, en juin 2014. Ce long métrage au casting prestigieux : Nicole Garcia, Marine Vacth, Karin Viard, Mathieu Amalric, André Dussolier, Gilles Lellouche et au rythme soutenu, se termine en apothéose par une scène de concert à Meslay. Le réalisateur de " Cyrano de Bergerac", tombé sous le charme du lieu avait apprécié la gentillesse des quelques 360 figurants dont de nombreux spectateurs du Festival : " Ça reste le meilleur souvenir du tournage, avec l'orchestre du théâtre de Tours sur la scène et moi en chef d'orchestre… D'ailleurs, c'est l'une des plus belles choses que j'ai filmées, avec la scène du début de Cyrano… " avait confié le réalisateur à La Nouvelle République.
Aux premières loges, les propriétaires de la Grange, Claire et Patrick Lefebvre, gardent un souvenir ému de ce tournage hors-normes qui a occupé les lieux pendant une semaine.
D’autres caméras sont entrées à Meslay (en dehors des captations de concert). Par exemple celles de Roger Planchon qui y avait filmé des scènes de son "Georges Dandin" avec Claude Brasseur en 1988.
Épisode 14 : Nos chers disparus
Retrouver la Grange, chaque début d’été, c’est aussi convoquer le souvenir des grands artistes qui l’ont animée de leur talent, Sviatoslav Richter en tête. Les étoiles des premières décennies nous ont quittés, d’autres sont parties plus récemment et souvent beaucoup trop tôt.
La plus poignante disparition reste sans doute celle de Brigitte Engerer, décédée à l’âge de 59 ans, le 23 juin 2012 à la fin du Festival auquel elle devait participer, remplacée par son ex-belle-sœur Anne Queffelec. La grande pianiste, au jeu romantique, habitée par la musique française mais aussi par le répertoire russe qu’elle connaissait si bien pour s’être formée à Moscou était une fidèle de Meslay et reste pour toujours dans le cœur du public et des amis des Fêtes musicales qui n’oublieront pas un certain concert où elle avait joué avec son ami Boris Berezovsky. Un autre proche, le violoncelliste Henri Demarquette qui avait partagé la scène avec elle à Meslay et ailleurs, confia dans le Point " qu’elle était parvenue à une complétude totale d’artiste et ne jouait pas une note qui ne soit de l’amour." Boris Berezovsky lui avait dédié le concert de clôture de ce festival 2012.
Trop tôt disparu également, le grand pianiste américain, Nicholas Angelich qui s’est éteint le 18 avril 2022, à l’âge de 51 ans, le lendemain d’un autre géant, le pianiste roumain Radu Lupu qui lui aussi était passé par la Grange. "Tout le monde aimait Nicholas Angelich, albatros baudelairien sur terre, " prince des nuées" au ciel du clavier. " écrivait Le Monde à l’annonce de son décès. Arrivé à 13 ans à Paris pour suivre l’enseignement de Ciccolini, il n’en était jamais reparti. interprète inspiré de Bach, Beethoven, Liszt et Brahms, Nicholas Angelich, à la technique impressionnante, était un ami de Meslay et s’y produisit pour la dernière fois en août 2020. Il donna des sonates de Beethoven et fit ce qu’il adorait : jouer avec ses amis. Il avait donc interprété l’Octuor pour cordes et vents en fa majeur de Schubert avec le Quatuor Modigliani et d’autres musiciens.
On ne peut terminer cette évocation sans parler d’un maître, le pianiste brésilien Nelson Freire, disparu le 1er novembre 2021. Présent en 2007, en 2009 puis au festival 2014, pour le cinquantenaire, il avait ébloui auparavant, en 1990, avec l'Orchestre philharmonique de Budapest dans le premier Concerto de Liszt. " Noblesse et simplicité, densité sans lourdeur, souplesse et sensualité, virtuosité aérienne, le jeu de Nelson Freire est unique. " écrivait encore Le Monde à sa disparition.
Épisode 13 : Petite musique de Grange
Meslay est un écrin pour le piano et le lieu idéal pour apprécier la musique de chambre. Dès 1965, on y entend le quatuor Borodine, jamais sorti d’URSS et qui dans une configuration renouvelée, accompagnera Richter lors de son dernier concert à la Grange, en 1994. Les meilleurs trios, quatuors, quintettes classiques se produisent à Meslay : le quatuor Julliard en 1972, le Beaux-Arts Trio en 75, le quatuor Mellos en 77, le quatuor Tallich en 83 et 97. L’année 1984 est toute dédiée à la musique de chambre de Beethoven et on y entend les quatuors Amadeus, Orlando, Melos, Borodine, Via Nova et Brandis ! Suivront le Fine Arts quartet et à nouveau le quatuor Orlando en 87, l’Emerson String quartet en 88… Dans la décennie suivante, on pourra entendre le Trio Wanderer, les quatuors Lindsay, Cherubini, Danel. Puis au début des années 2000 le Trio Dali, les quatuors Isaÿe, Petersen, Artémis, Belcea, Modigliani, Prazak, et beaucoup d’autres.
En 2012, le quatuor Jérusalem « qui triomphe sur toutes les scènes du monde, est pour la première fois à la grange » souligne la Nouvelle République. En 2013, l’ensemble Le Balcon qui se métamorphose au gré des projets, donne à Meslay « Vortex Temporum », une œuvre contemporaine de Gérard Grisey.
Aujourd’hui, de jeunes musiciens talentueux :Trio Chausson, Trio Van Berle et son formidable pianiste Hannes Minnaar, Quatuor Hermès,quatuor Girard, quatuor Arod nous enchantent.
Tous fidèles à la Grange et pour certains des amis chers comme les musiciens du Trio Wanderer que nous entendrons le 8 juin 2024 à 18h à Meslay, présents dès 1995 pour jouer Chopin puis en 1999 autour de Mendelssohn. Le mythique trio qui a joué sur toutes les scènes du monde partage aussi son talent lors des soirées des fêtes musicales à Tours. Ainsi, en novembre 2018, il propose une carte blanche de musique romantique.
Autres compagnons de musique, si précieux, les « Modigliani » qui aiment autant jouer en quatuor qu’élargir la scène à d’autres artistes : en 2013, avec le violoniste Renaud Capuçon, le pianiste Nicholas Angelich, le violoncelliste Edgar Moreau, pour un inoubliable Trio avec piano « l’Archiduc » de Beethoven. En 2015, le Quatuor ouvre le festival avec le pianiste Adam Laloum. Heureux de revenir à Meslay, « un lieu magique » disent en cœur les 4 musiciens qui sont de nouveau présents en 2018 pour jouer avec la pianiste Yulianna Avdeeva , en 2020, malgré la pandémie et en 2023 ! Sans oublier, novembre 2021, quand ils ont fait l’honneur aux Fêtes Musicales de jouer à Tours l’intégrale des quatuors de Schubert qu’ils venaient d’enregistrer.
Et il faut évoquer aussi la présence chaleureuse du violoncelliste Raphaël Pidoux et de l’octuor de violoncelles Cello8, présent en concert comme en master classe, nous y reviendrons.
Oui, la musique pour petits ensembles tient une place de choix à Meslay où les générations de spectateurs ont pu apprécier toutes les combinaisons. De 1985 quand le violoniste Oleg Kagan joue Chostakovitch avec l’altiste Youri Bashmet, la violoncelliste Natalia Gutman et bien-sûr Sviatoslav Richter, à 2022 quand un quintette se forme autour du violon de Renaud Capuçon , composé d'une myriade d’étoiles montantes : les violonistes Manon Galy et Raphaëlle Moreau, l’altiste Paul Zientara, le violoncelliste Maxime Quennesson, le pianiste Guillaume Bellom, en passant par 2004 et le pianiste Boris Berezovsky, le violoniste Dmitri Makthin, le violoncelliste Alexander Kniazev, interprétant le trio élégiaque de Rachmaninov ! Autant de moments de bonheur, nichés dans la mémoire de chacun après une belle soirée à Meslay.
Épisode 12 : Meslay à l'heure russe !
« C’est à chaque fois une émotion incroyable que de jouer dans ce lieu, choisi par Richter. Pour moi, pianiste russe, mais pour tous les musiciens, je pense, la grange de Meslay est un endroit à part. » confessait Nikolaï Lugansky à la Nouvelle République, le 10 juin 2014.
Fondé par un artiste qui avait su « briser la glace de la guerre froide » pour créer un festival dans ce coin de Touraine, Meslay a, dès le début, fait une grande place aux interprètes russes…mais pas forcément aux pianistes, la place étant occupée par Richter lui-même. La première édition, en 1964 fait un triomphe au maestro et à l'Orchestre de chambre de Moscou dirigé par Rudolf Barchaï. L’année suivante, en 65, l’Express évoque « le Quatuor Borodine, formation soviétique encore inconnue en France » venue jouer Chostakovitch. Le quatuor reviendra en 1974, en 1994 pour le dernier concert de Richter à Meslay et en 2014 pour les 50 ans du Festival.
A Meslay, Richter invite ses amis. Ainsi en 1967, l’immense violoniste David Oïstrakh joue avec lui des sonates de Schubert, Brahms, Franck et crée selon Le Monde une « conjonction d'astres jamais observée encore en U.R.S.S. ni sous aucun autre ciel, qui a rempli nos Tourangeaux d'une légitime fierté - et la grange d'une quantité inégalée de chaises supplémentaires ! » D’autres virtuoses font vibrer le public de la Grange : les violonistes Oleg Kagan, Boris Belkin ou plus tard Vadim Repin, la violoncelliste Natalia Gutman, partenaire de Richter et souvent à l’affiche de Meslay dans les années 80. Elle y jouera à nouveau en 1997, avec une grande émotion, en hommage à son ami, décédé cette année-là.
En 1976, le festival accueille Stanislav Neuhaus qui inaugure la longue liste des pianistes russes (alors soviétiques) jouant à Meslay. Il est le fils d’Heinrich Neuhaus qui enseigna le piano à Richter. Cette édition révèle également un jeune pianiste de 21 ans, Andreï Gawrilov. Suivront en 1983, Dimitri Bashkirov et Pavel Gililov (né en Ukraine), Vassili Lobanov en 1985 et Nikita Magalov qui jouent dans l’édition consacrée à Brahms en 1987, Shura Cherkassky « le dernier maillon qui nous relie à la grande tradition romantique » selon Le Monde, en 1990.
René Martin devenu directeur artistique du festival s’attache à prolonger l’histoire écrite par Richter et ne cessera de faire une grande place à l’élite des interprètes vivant en Russie ou ailleurs.
En 1997, les 34e Fêtes musicales sont consacrées à la musique russe ! Au côté de Lisa Leonskaïa, amie du maestro, Meslay découvre de futurs très grands : Nikolaï Lugansky, 25 ans ou Alexander Melnikov, 24 ans, qui dira que « ses rencontres avec Sviatoslav Richter » qui l’invita régulièrement « comptent parmi les expériences les plus marquantes de sa vie musicale. »
Les années 2000 sont aussi le « règne » à Meslay, pour une quinzaine d’années du génial pianiste Boris Berezovsky, considéré comme le fils spirituel de Richter, et dont la prise de position, favorable à l’intervention militaire en Ukraine en 2022, a indigné et l’a écarté des scènes occidentales.
En 2003, le très grand pianiste Grigory Sokolov marquera les esprits en bissant l’intégralité de son concert donné au Palais des congrès Vinci ! En 2010, c’est encore l’heure russe avec Evgeni Koroliov, Boris Berezovsky et Nikolaï Lugansky. En 2012, on entend les pianistes Andreï Korobreinikov Alexei Volodin, Yulianna Avdeeva, le violoniste Vadim Repin. Forte présence russe en 2014 pour les 50 ans ou en 2017. En 2020 on entend la délicate Varvara et l’an dernier Andrei Korobreinikov (avec Vadim Repin), Alexander Malofeev, Nikolaï Lugansky… Et bien-sûr, deux géants russes se produisent régulièrement à Meslay : Mikhaïl Pletnev (« Pletnev, c’est l’invention, l’inspiration » dit René Martin) et Arcadi Volodos (« à mon avis, le plus grand pianiste vivant », toujours René Martin).
Cette année du 60e anniversaire, le festival accueillera les pianistes Dmitry Masleev et Andrei Korobreinikov…L’âme russe de Richter est toujours à Meslay !
Épisode 11 : l'âme de Richter toujours à Meslay
" Les Fêtes Musicales en Touraine ont été, pendant bien des années une des joies de mon existence ". Pendant 30 ans, Sviatoslav Richter sera resté fidèle à "sa" Grange, éblouissant un public fasciné par la puissance de ses interprétations, sa mémoire phénoménale (plus de 836 œuvres), sa fidélité au texte musical. Il aura réuni autour de lui les plus grands artistes de son époque et permis à de nouveaux talents d’éclore.
On vient de loin ou du village d’à côté pour l’écouter. " …Avec Richter, le fil d'une musique extra-lucide unissant l'interprète et le public dans une même connivence avec le mystère n'était jamais interrompu. Un récital Scriabine, un récital Schubert : musiques de " grands initiés ", dont le grand pianiste soviétique explorait les plus lointaines retraites.", écrit Le Monde en 1972. "Retrouver Richter en Touraine, même un Richter un peu plus sombre et tendu qu'à l'habitude, retrouver cette sonorité magique, ce phrasé de chair et de sang, cette pathétique lucidité du mystère musical, c'est redécouvrir le piano et son répertoire au point de s'en faire une religion. Les initiés de Meslay savent de quoi je parle." ajoute Le Nouvel Observateur en 1974.
Le maître peut être décevant, capricieux voire carrément absent sans prévenir, il revient toujours à Meslay et le public, toujours, l’attend avec ferveur. " Richter est là, brûlant de la même flamme que jadis. Il salue gravement avec son air de bon élève, la salle s'éteint ; seule une veilleuse éclaire faiblement la partition dont il n'a guère besoin, mais qui le rassure… Il joue les Variations sur un thème original op. 21 no 1 de Brahms comme s'il s'éveillait d'un long sommeil " note encore Le Monde en 1988.
Au fil du temps, son jeu se dépouille, " L’interprète ne doit pas dominer la musique, mais devrait se dissoudre en elle" écrit le maitre.
Malade du cœur, il donne son dernier concert à Meslay le 18 juin 1994. Il joue Schumann avec ses amis du Quatuor Borodine. Il s’éteint trois ans plus tard à Moscou.
En son honneur, le pianiste Radu Lupu donne un concert au Grand Théâtre de Tours le 16 novembre 1997, jour anniversaire du premier concert du maitre en Touraine.
Episode 10 : Les grands orchestres à Meslay
Réputé pour ses concerts de piano et de musique de chambre, le Festival de la Grange de Meslay, selon le vœu de Richter a accueilli les plus grands orchestres de la fin du XXe siècle. Lorin Maazel, Georg Solti, Neville Marinner ont dirigé sous la charpente.
L’édition de 1983, consacrée à la musique française fait entendre l’orchestre de Paris dirigé par Daniel Barenboïm, les Arts Florissants de William Christie, les percussions de Strasbourg, programme complété par les concerts de Richter, Aldo Ciccollini, les quatuors Talich et Borodine et même du jazz, avec le trio Martial Solal !
L’ensemble inter contemporain de Pierre Boulez occupe l’espace en 1985 pour jouer, Hindemith, Ligeti, Berio, Britten, Schoenberg…et Boulez.
En 1986, le répertoire de la musique de cour amène à la Grange l'Academy of Saint-Martin-in-the-Fields et à nouveau les Arts florissants. Pour les 25 ans du festival l’Orchestre National du Capitole de Toulouse joue Beethoven avec Richter, et l’Ensemble des Solistes de la Philharmonie d’Etat de Moscou accompagne l’altiste Youri Bashmet…En 1990, le pianiste Nelson Freire joue le 1er Concerto de Liszt, avec l'Orchestre philharmonique de Budapest …Meslay voit grand et éblouit.
Après la mort de Richter en 97, le festival réduira la voilure pour tenir ses finances mais de beaux ensembles continueront à s’y produire comme le Sinfonia Varsovia en 2001, l’English chamber Orchestra en 2010 ou plus près de nous, en 2023, l’Orchestre Consuelo, dirigé par Victor Julien-Lafferière.
Épisode 9 : Années 70, divas et pianistes
Si les plus grands chanteurs lyriques se produisent aux Fêtes Musicales, Dietrich Fischer-Dieskau et Peter Schreier en 77 ou Jean-Philippe Lafont en 79, la décennie est marquée par les merveilleuses voix féminines qui se succèdent sous la charpente : la mezzo-soprano Elisabeth Schwartzkop ouvre le bal en 1970 pour un récital de lieder de Mozart à Malher. Lui succèderont les sopranos Victoria de Los Angeles en 71, Mady Mesplé en 72, Jessye Norman et Jennifer Smith en 73, Tereza Berganza en 74… Krista Ludwig et Barbara Hendrickx se produiront en 81… au grand Théâtre de Tours. Une décennie enchantée ou plutôt en-chanté !
Sviatoslav Richter accompagne ces grandes voix et donne d’inoubliables concerts en soliste, il joue notamment deux fois en 1973 à Rochecorbon, 24 Préludes et Fugues de Bach.
Dans le sillage de l’hôte de Meslay, brillent les plus grands pianistes du monde. Ainsi pour la seule année 1976 : Radu Lupu, Christoph Eschenbach , Byron Janis, Alfred Brendel, Andreï Gawrilov, Stanislav Neuhaus et Claudio Arrau. La décennie 70 aura accueilli deux fois Pierre Boulez, deux fois Arturo Benedetti-Michelangeli et deux fois Claudio Arrau. En 1973 et 1978, les spectateurs pourront même applaudir deux Richter ! Sviatoslav, le pianiste et Karl, à la tête de l’orchestre Bach de Munich.
Episode 8 : A Meslay, la nature nous parle
Et quelquefois, elle se fait bien entendre ! En plein concert, oies, canards et poules cacardent ou caquètent à tout va et le bruit du vent, de la pluie, a souvent accompagné mélodies et chants. La chouette vole en silence au-dessus-des têtes. Une chauve-souris passe. " Le coq a chanté trois fois, dans les trois morceaux du nocturne op 27 de Chopin ! " raconte le pianiste Luis Fernando Perez en 2010. On est à la campagne !
Quelquefois, les éléments se déchainent. L’été 1980, il faut arroser la toiture de la Grange pour permettre au grand Claudio Arrau d’interpréter Beethoven ou Liszt. Et il y a 2 ans, par 40° à l’ombre, l’excellent pianiste Alexandre Tharaud n’aurait pu servir Scarlatti, Schubert ou Debussy sans l’aide de son tourneur de page, devenu manieur d’éventail !
Mais la soirée la plus dantesque fut sans nul doute celle du 2 juillet 1982. La violence de l’orage qui avait fait disjoncter la lumière n’arrêta pas la grande soprano Jessye Norman. On installa des bougies à ses pieds. " La lueur des petites flammes et les éclairs de l’orage illuminaient la vieille charpente et les visages... " se souvient Gérard Proust, le photographe de Meslay." Ce fut un concert fantastique où la musique rivalisait avec la nature…Puis ce fut un tonnerre d’applaudissements … et nous sortîmes dans la cour détrempée de la Grange. Cela sentait la pluie, la fraicheur, c’était comme une libération." raconta plus tard l’hôte de Meslay, Sviatoslav Richter, dans ses carnets.
Épisode 7: Boulez à Meslay
Figure majeure de la musique du XXe siècle, le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez est venu deux fois au Festival de Meslay à l’invitation de son ami Sviatoslav Richter. En juillet 1971, il dirige deux fois le London Sinfonietta qui interprète entre autres « Le Pierrot lunaire » de Schoenberg. « C’est la première fois que j’entends ce fameux « Pierrot lunaire ». Saisissant d’étrangeté et de bizarrerie » dira Richter. Louis Dandrel dans Le Monde du 7 juillet 1971 écrit que « pour sa première rencontre avec la musique contemporaine, le public de Meslay ne pouvait mieux souhaiter qu'un initiateur tel que Boulez. ». Le même article souligne que « La rencontre [de Boulez] avec Sviatoslav Richter dans le Concerto pour piano K 491 de Mozart a été l'un des grands moments du festival ».
Quant à l’édition de 1985, baptisée « Musique du XXe siècle à la Grange de Meslay », elle est pratiquement dédiée à Boulez puisqu’il y dirige quatre concerts avec l’Ensemble Inter Contemporain, l’ensemble Orchestral de Paris et les élèves des conservatoires nationaux de Lyon et de Paris.
Épisode 6 : Elisabeth Schwartzkopf, la reine du lied à Meslay
La grande Mezzo-soprano d’origine allemande est venue deux fois aux Fêtes musicales. En 1970, elle donne à Meslay un récital de lieder, en présence de "très nombreux spectateurs, parmi lesquels on reconnaissait M. Valéry Giscard d'Estaing…Afin de ne pas les décevoir, la cantatrice usa sans compter de sa voix et compensa par un phrasé plus bondissant que jamais … quelques infimes défaillances dans l’aigu." écrit Anne Rey dans Le Monde du 4 aout 1970. La diva fait un triomphe.
En 1981, la " reine du lied" qui ne chante plus depuis la mort de son mari, revient Salle Ockeghem à Tours pour donner un cours d’interprétation, 6 heures par jour, tenant " sous le charme, une semaine durant, ses étudiants et le public … sans une marque de fatigue ni un geste d'humeur, prodiguant sa science et son génie, rieuse et inflexible…" écrit Jacques Lonchampt dans Le Monde.
Ces " heures grisantes " se prolongeront à Meslay, en 81, avec les concerts d’autres voix sublimes : celles de Christa Ludwig et de Barbara Hendricks qui chantera Schubert mais aussi des Negro Spirituals
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Épisode 5 : l'acoustique de la Grange
" A Meslay, il y a une atmosphère absolument magique, une qualité de silence – qui est peut-être due d’ailleurs à l’acoustique – et une proximité avec l’artiste qui font que tout à coup, il se produit quelque chose d’exceptionnel... " (René Martin interview à Bachtrack 15 juin 2022).
Dès 1963 et la préparation du 1er Festival, il fallut penser à améliorer l’acoustique de la Grange de Meslay. Un premier ensemble de trois plaques rigides, une dirigée vers l’avant et deux derrière en forme de V, fut installé au-dessus de la scène. Cela afin de réfléchir le son émis par le piano ou l’orchestre. Ce système est amélioré esthétiquement en 1975 par les équipes de l’IRCAM sous la direction de Pierre Boulez. Mais c’est en 1989 qu’apparait la coque acoustique imaginée par Othon Schneider. En lattes de bois " alignées horizontalement comme de petites étagères… elle permet de rabattre le son. Sans cet abat-son, l’onde sonore aurait tendance à se disperser, s’évaporer, un peu comme cela se passe en plein air " explique Patrick Lefebvre, propriétaire de la Grange de Meslay et passionné d’acoustique.
Épisode 4 : l'édition 1967, prestigieuse !
Ainsi en 1967, pour la 4e édition, le pianiste accueillait à Meslay deux géants du XXe siècle : le violoniste russe David Oïstrakh et le baryton allemand Dietrich Fischer-Dieskau. " Un plateau que bien des grandes capitales auraient pu nous envier " écrit Michel Renault dans Mémoires d’un Festival (ed Sutton, 2014). Jean-Jacques Normand dans Le Monde salue l’osmose entre " les deux Russes ", Oïstrakh et Richter, dans la sonate de Franck : "un étonnant paysage de fraîcheur et de feu, où l'alternance de la joie et de la douleur rythmait une immense respiration musicale. "
Jacques Lonchampt, toujours pour Le Monde dit de l’interprétation de La belle Maguelone de Brahms par le baryton allemand, accompagné par Richter au piano : " Dietrich Fischer-Dieskau, si sensible à ce qu'un lieu et un public ont d'exceptionnel, a-t-il retrouvé l'accord qu'il y avait entre cette vieille histoire et cette grange qui en est contemporaine, ou simplement s'est-il mis au diapason de cet endroit rustique et de sa belle sonorité franche et mate ? Toujours est-il qu'il adopta d'emblée une expression puissante, corsée, naïve et simple, proche du terroir qui épousait parfaitement l'accent populaire de ses lieder. "
La même édition accueille Olivier Messiaen qui joue son œuvre " Vingt regards sur l'enfant Jésus" composée en 1944. " Ce qui m'a frappé dans la musique de Messiaen, c'est que, malgré sa difficulté, je la trouve d'un envol, d'une pureté saisissants. En musique, j'ai trois grandes passions : Chopin, que je préfère à tous et dont la littérature pianistique est une merveille, Debussy et Wagner, qui, hélas, comme vous le savez, n'a rien écrit pour le piano. Maintenant, je veux m'attaquer à Messiaen, j'aime beaucoup son sens des couleurs... " confiera Richter (in Richter, écrits conversations avec Bruno Monsaingeon, ed Van de Velde-Actes-Sud-Arte)
Episode 3 : le Premier concert
La création du festival est née d’un coup de foudre spirituel autant que musical. Après avoir donné un concert au Grand théâtre de Tours, le 17 novembre 1963, « c’est par une journée d’hiver haïssable, pluie et brouillard, pluie dans la boue, mains glacés… » que Sviatoslav Richter découvre la Grange… « et l’adore », selon Pierrette Boille, épouse de l’architecte Pierre Boille. Ces relations du grand pianiste russe et quelques autres forment bientôt « Les Amis de la Musique » appellation changée en 1964 en « Festival de Tours » qui lancera les premières Fêtes Musicales en Touraine, le 23 juin 1964, sous le haut patronage de son excellence « Monsieur Vinogradov, ambassadeur de l’Union des républiques socialistes soviétiques en France » …
C’est avec la Sonate pour piano no 2 en ré mineur de Prokofiev que Richter ouvre le 23 juin 1964 ce premier festival à la Grange de Meslay qui donne aussi à entendre le violoncelliste Pierre Fournier, la soprano Rita Streich , le pianiste Christian Ivaldi et l’orchestre de Moscou sous la direction de Rudolf Barchaï.
Le Festival est lancé « une nouvelle étoile brille dans le ciel du jardin de la France : celle de la musique. » écrit Jacques Lonchampt dans Le Monde.
Épisode 2 : Richter et la Grange
En 1963, après un concert donné au Grand Théâtre de Tours, le pianiste russe Sviatoslav Richter, autorisé depuis quelques années à donner des concerts hors de l'Union soviétique, visite avec son ami l’architecte Pierre Boille, une grange du XIIe siècle qui pourrait devenir le cadre du festival que le maître aimerait créer en France. « Quand je m’y suis rendu, elle était pleine de foin de l’année et la volaille y courait partout, mais je m’en épris sur le champ !» racontera-t-il plus tard.
Le festival était né. Le maître, déjà considéré comme un « monstre sacré» du piano, y sera fidèle jusqu’à sa mort en 1997, terme d’un long voyage pas toujours tranquille comme l’écrit Anne Rey dans Le Monde en 1974 «Richter, malheureusement, a ses humeurs, ses accès de nervosité, ses appréhensions incontrôlables. Il vient d'annuler sans crier gare plusieurs engagements à l'étranger. Mais pour Meslay il est sorti de sa retraite : il y est apparu " in extremis " pour la seconde partie du Festival. Et il n'a pas donné de récital, comme s'il avait besoin de compagnie. »
Pourquoi Richter, « brisant la glace de la guerre froide » comme l’écrit encore Le Monde, est-il tombé amoureux de la Grange de Meslay ? « Je le comprends tout à fait. C’est un lieu qui n’a pas d’âge, une abbaye du XIIe siècle qui allie la paysannerie, l’aristocratie, la simplicité du monde rural, la dimension mystique des grands bâtisseurs… C’est un lieu d’une noblesse inimaginable. Richter était très sensible à cela. » souligne René Martin, le directeur artistique de Meslay et ami de Richter, en 2022, sur le site Bachtrack.
Richter était aussi peintre. C’est aussi «son œil de peintre qui lui fait aimer par-dessus tout, comme ce fut aussi le cas pour Turner, les multiples et poétiques lumières de cette Loire des châteaux, fleuve royal aux couleurs infinies» comme l'écrit Michel Daudin.
Entre 1963, date de son premier récital au Grand Théâtre de Tours et sa mort en 1997, Richter aura offert à la Touraine 78 concerts, dont la plupart dans «sa Grange de Meslay ».
Épisode 1 : un monument médiéval unique !
Dans la plénitude de la campagne, près de Tours, au large de la D910, derrière un porche imposant surmonté d'une tour carrée, se dévoile une magnifique grange d’époque médiévale. ,Elle est le seul élément conservé d’un vaste domaine agricole autrefois géré par les moines de l’abbaye voisine de Marmoutier. L’édifice de 60 m sur 25, divisé en 13 travées, frappe par l’ampleur de son volume et surtout par sa monumentale charpente en cœur de chêne. Un ensemble unique !
Sa construction, sur la commune actuelle de Parçay-Meslay, complétant le prieuré fondé dès le XIe siècle, fut menée vers 1220 par les moines de l’abbaye, sous la direction de l'abbé Hugues des Roches.
Pillée et détruite par le feu en 1422, la Grange fut reconstruite dix ans plus tard. Vendue sous la Révolution à la famille Derouët , ancêtre des actuels propriétaires, l’ensemble que nous admirons aujourd’hui a traversé les guerres. Jusqu’à devenir, à partir de 1964, par la grâce du pianiste russe Sviatoslav Richter et l’ardeur de la Société Tourangelle des Amis de la Musique, un écrin pour les meilleurs artistes classiques internationaux. Ce qui fit écrire au journaliste du Monde, Jacques Lonchampt, le 1er juillet 1964: «Les premières Fêtes musicales de Touraine viennent de s'achever avec un plein succès ; une nouvelle étoile brille dans le ciel du jardin de la France : celle de la musique.»